Ce poème de Pasolini date des années cinquante mais a été publié de façon posthume en 2001, dans les œuvres complètes de Pasolini réunies dans dix volumes de la collection I Meridiani. Il a été publié en France dans l'anthologie bilingue de poèmes inédits, choisis, présentés et traduits par René de Ceccatty (Adulte jamais, Points, 2013).
L'identità
Crisi
Posso davvero non morire
di nostalgia. L'esistenza
fa scordare che fu d'aprile
il trionfo della sapienza
quando il peccato era innocenza
e l'innocenza era peccato.
O aprile, aprile, perso senza
ragione... anch'io sono passato ?
Sì, qualcuno canta, qui intorno,
in questa nuova città ignota
per il lungotevere piovorno
« Amado mio », e d'improvviso
dalle prealpi al mare, invisibile,
tutto il Friuli è un miracolo
di luce sulle campagne intrise
di stelle umide e opache.
Amado mio ! quanta giovinezza
che investe col vento serale
un paesaggio cieco di freschezza
dai freschi monti al fresco mare !
Quante stelle stingono l'aria !
Quanti giovani ridono in festa
nella penombra delle strade
nelle chiare piazze d'estate !
Amado mio ! troppo amor
ancora mi spinge a delirare
sopra il tuo mistero svelato
perché io possa morire...
Il sole delle estati, l'umido
degli autunni, non consumano
le tue vive camicie, i calzoni,
la tua pelle nuda, nei campi
chiari, le piazzette cupe...
Amado mio, la tua famiglia
nei dopocena sereni come feste
empie di voci lo stellato,
gli orti... I pioppi sulla roggia
tremano... Dal borgo, lieve,
vibra il colpo dell'incudine...
Ma non sogno ? Questo è il solo
mio passato... Le tue vesti
calde e fresche di mistero...
Pier Paolo Pasolini
L'identité
Crise
Je peux vraiment ne pas mourir
De nostalgie. L'existence
Fait oublier que ce fut en avril
Le triomphe du savoir,
Quand le péché était innocence
Et l'innocence était péché.
Ô avril, avril, perdu sans
Raison... moi aussi je suis passé ?
Oui, quelqu'un chante, dans les parages,
Dans cette nouvelle ville inconnue
Sur le quai pluvieux du Tibre,
« Amado mio » et soudain
Des Préalpes à la mer, invisible,
Tout le Frioul est un miracle
De lumière sur les campagnes imprégnées
D'étoiles humides et opaques.
Amado mio ! Que de jeunes
Qui assaillent avec le vent du soir
Un paysage aveugle de fraîcheur
Des collines fraîches à la fraîche mer !
Que d'étoiles pâlissent à l'air !
Que de jeunes rient festivement
Dans la pénombre des routes
Sur les claires places de l'été !
Amado mio ! Trop d'amour
Me pousse encore à délirer
Sur ton mystère dévoilé
Pour que je puisse mourir...
Le soleil des étés, l'humidité
Des automnes, n'usent pas
Tes chemises vives, tes pantalons,
Ta peau nue, dans les champs
Clairs, sur les petites places sombres...
Amado mio, ta famille
Dans les après-dîners sereins comme des fêtes
Remplit de ses voix le ciel étoilé,
Les potagers... Les peupliers le long du canal
Tremblent... Du village, léger
Vibre le coup de l'enclume...
Mais je ne rêve pas ? C'est mon
Seul passé... Tes vêtements
Chauds et frais de mystère...
Traduction : René de Ceccatty
Images : en haut et au centre, Tiziana de Meis (Site Flickr)
en bas, Alessandro Cattelan (Site Flickr)