Sognavamo nelle notti feroci
Sogni densi e violenti
Sognati con anima e corpo :
Tornare ; mangiare ; raccontare.
Finché suonava breve sommesso
Il comando dell'alba :
« Wstawać » ;
E si spezzava in petto il cuore.
Ora abbiamo ritrovato la casa,
Il nostro ventre è sazio,
Abbiamo finito di raccontare.
È tempo. Presto udremo ancora
Il comando straniero :
« Wstawać ».
11 gennaio 1946
Primo Levi Ad ora incerta Garzanti Editore, 1984
Nous rêvions dans les nuits féroces
des rêves denses et violents
que nous rêvions corps et âme :
rentrer, manger, raconter
jusqu'à ce que résonnât, bref et bas,
l'ordre qui accompagnait l'aube :
« Wstawać » ;
et notre cœur en nous se brisait.
Maintenant nous avons retrouvé notre foyer,
notre ventre est rassasié,
nous avons fini notre récit.
C'est l'heure. Bientôt nous entendrons de nouveau
l'ordre étranger :
« Wstawać. »
11 janvier 1946
Traduction : Louis Bonalumi
(Wstawaćsignifie Debout ! en polonais.)
Lunedì
Che cosa è più triste di un treno ?
Che parte quando deve,
Che non ha che una voce,
Che non ha che una strada.
Niente è più triste di un treno.
O forse un cavallo da tiro.
È chiuso fra due stanghe,
Non può neppure guardarsi a lato.
La sua vita è camminare.
E un uomo ? Non è triste un uomo ?
Se vive a lungo in solitudine
Se crede che il tempo è concluso
Anche un uomo è una cosa triste.
17 gennaio 1946
Primo Levi Ad ora incerta Garzanti editore, 1984
Lundi
Qu'y a-t-il de plus triste qu'un train ?
Qui part quand il le faut,
Qui n'a qu'une seule voix,
Qui n'a qu'un seul chemin.
Rien, vraiment, n'est plus triste qu'un train.
Ou peut-être un cheval de trait,
Coincé entre deux brancards,
Et qui ne peut même pas regarder de côté.
Sa vie se résume à marcher.
Et un homme ? N'est-ce pas triste un homme ?
S'il vieillit dans la solitude,
S'il croit que son temps est fini,
Un homme, c'est bien triste aussi.
17 janvier 1946
Traduction : Louis Bonalumi
Images : de haut en bas, (1) Rebecca Litchfield (Site Flickr)
(2) Neil Thomas (Site Flickr)
(3) Shoah, de Claude Lanzmann